Prix de Thèse « Afrique et ses diasporas »/ « Africa and its Diasporas » PhD Prize

 

Charlotte Grabli, © CIRESC (Centre international de recherches sur les esclavages et post-esclavages CNRS – USR 2002)

Nous avons appris avec plaisir que Charlotte Grabli — allocataire de l’IFAS-Recherche en 2013 alors qu’elle était au tout début de sa recherche doctorale — venait de remporter le Prix de Thèse « Afrique et ses diasporas », décerné conjointement par la Société des Africanistes et par le GIS « Études africaines » (CNRS).

Intitulée L’urbanité sonore. Auditeurs, circulations musicales et imaginaires afro-atlantiques entre Sophiatown et la cité de Léopoldville de 1930 à 1960, cette thèse d’histoire examine les rapports entre musique, politique, identité, urbanité et modernité dans un vaste espace de circulations culturelles s’étendant du Congo belge à l’Afrique du Sud, entre 1930 et 1960. Au Congo, l’appropriation par les artistes locaux de genres musicaux venus de Cuba et, plus largement d’Amérique du Nord, puis la diffusion internationale de cette musique — tout particulièrement de la fameuse rumba congolaise, fruit d’hybridations complexes — ont contribué à la construction d’une culture sonore transnationale et trans-coloniale. Cette diffusion s’est faite au gré de la circulation à grande échelle des disques, des films, des artistes, des genres musicaux, dans le contexte du développement d’une industrie des loisirs pensé pour les citadins africains. En faisant le pari du comparatisme entre Congo belge et Afrique du Sud (et plus précisément entre la « cité indigène » de Léopoldville et Sophiatown, à Johannesburg), la thèse analyse avec finesse la constitution de cultures musicales urbaines qui, dans les deux pays, apparaissent dans des contextes de relégation et de domination des populations noires.

Loin d’être une simple histoire des musiques « populaires » modernes et des hybridations musicales en Afrique centrale et australe, la thèse construit un objet complexe et ambitieux :  il s’agit aussi d’écrire une histoire du sensible et de montrer comment a émergé, en quelques décennies, une « urbanité sonore » propre à Léopoldville et Sophiatown. À travers l’étude des acteurs sociaux (musiciens, musicologues et critiques musicaux, hommes et femmes de radio, journalistes, producteurs, amateurs de danse, clientèle des bars, auditeurs de radio, etc.) et des lieux où se diffuse la musique (clubs, dancings, studios d’enregistrement, salles de cinéma, salles de concert, espaces de la rue, etc.), le lecteur suit pas à pas la création d’un marché du disque africain, la professionnalisation des musiciens, le développement de programmes de radio spécifiquement conçus pour des publics africains, la floraison des associations festives…

Cette thèse, qui s’inscrit dans le courant des sound studies et de l’histoire des sensibilités, est extrêmement novatrice. Elle ne se contente pas de proposer une histoire culturelle de la musique africaine, mais elle s’attache à montrer de façon convaincante comment ces musiques ont façonné des identités nouvelles (citadines, générationnelles, inter-coloniales, transnationales, afro-atlantiques, etc.) et des formes particulières d’une « modernité » afro-centrée et autonome des « modèles » occidentaux et coloniaux.

La thèse de Charlotte Grabli sera publiée en 2021 par ENS Éditions.

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We are pleased to announce that Charlotte Grabli — a former IFAS-Research fellow, when she was at the very beginning of her doctoral research — has just received the « Africa and its Diasporas » PhD Prize awarded jointly by the Société des Africanistes and the CNRS GIS « African Studies ». 

Entitled L’urbanité sonore. Auditeurs, circulations musicales et imaginaires afro-atlantiques entre Sophiatown et la cité de Léopoldville de 1930 à 1960 [Sonic Urbanity: Listeners, Musical Circulations and Afro-Atlantic Imaginaries between Sophiatown and the Cité of Leopoldville, 1930-1960], this PhD in history explores the relationships between music, politics, identity, urbanity, and modernity in a vast area of cultural circulations stretching from the Belgian Congo to South Africa. In the Congo, the appropriation by local artists of musical genres imported from Cuba and, more broadly, from North America, and the subsequent international dissemination of this music — especially the famous Congolese rumba, the result of complex hybridisation — contributed to the construction of a transnational and trans-colonial sound culture. This dissemination has taken place thanks to the long-distance circulation of records, films, artists, and musical genres, while recreational industries conceived for African city-dwellers emerged and developed. By comparing Belgian Congo and South Africa (and more precisely the Cité indigène of Léopoldville and Sophiatown in Johannesburg), the PhD analyses with great finesse the constitution of urban musical cultures which, in both countries, appeared in a context of relegation and domination imposed to black populations.

Far from being a simple history of modern ‘popular’ music and musical hybridisation in Central and Southern Africa, this research aims to write a history of emotions and perceptions, and to show how, in a few decades, forms of « sound urbanity » (urbanité sonore) specific to Léopoldville and Sophiatown emerged. Through the study of social actors (musicians, musicologists and music critics, radio men and women, journalists, producers, dance lovers, bar patrons, radio listeners, etc.) and of places where music was broadcast (clubs, dance halls, recording studios, movie theatres, concert halls, streets, etc.), the reader follows step by step the creation of an African record market, the professionalisation of musicians, the development of radio programmes specifically designed for African audiences by colonial authorities, the flowering of festive associations, etc.

This doctoral thesis, in line with the approach promoted by sound studies and by the history of emotions, is extremely innovative. It does not merely offers a cultural history of African music, but it endeavours to show in a convincing way how this music has shaped new identities (urban, generational, inter-colonial, transnational, Afro-Atlantic, etc.) and particular forms of an Afro-centric and autonomous « modernity », far from so-called Western and colonial « models ».

Charlotte Grabli’s Phd will be published in 2021 by ENS Éditions.

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